Extrait chapitre 5 - "Héritage"

Rufus hocha la tête en signe d’approbation et prêta serment devant elle. Alors, la prêtresse ferma quelques secondes les yeux et prononça quelque incantation dans son esprit. Les cristaux s’illuminèrent d’une douce teinte blanche et se mirent à émettre une magnifique lumière qui balaya les ombres que le soleil s’amusait à créer dans les décombres. Zane prit la main de Rufus et y glissa trois cristaux de lumière blanche. Une chaleur apaisante se propagea aussitôt à leur contact dans tous le corps du général. Celui-ci referma délicatement ses doigts autour d’eux, puis adressa un regard profondément reconnaissant à la jeune prêtresse qui lui souriait calmement.

- Je crois en vous, lui dit-elle alors avant de s’éloigner.

Rufus la regarda disparaître dans la lueur flamboyante du soleil couchant tandis que la lueur des cristaux s’intensifiait dans l’obscurité. Le jeune général ressentit pour la première fois un certain remord. Ces derniers mots qu’elle lui avait adressés l’avaient troublé. N’était-ce pas à lui de lui dire cela ? N’était-ce pas à lui d’avoir foi en elle ? Elle ne lui avait nullement reproché ses doutes, ni même son hésitation. Elle lui avait confié une partie de son pouvoir, alors qu’il venait du Nazor…alors qu’il était sans doute le dernier homme sur ce champ de bataille à qui elle aurait pu faire confiance…

Dans d’autres circonstances, si le seigneur Théobald n’avait pas rejoint leur cause, il aurait été le premier à enfoncer sa lame dans la poitrine de cette femme. Mais, à présent, il comprenait. Ceux qui approchaient l’Elue étaient inévitablement touchés par sa grâce. Au fond de lui-même, il espérait qu’elle ne soit pas injustement sacrifiée à sa cause. Il espérait que l’Empire pour lequel il s’était battu s’écroule sans créer plus d’ennuis. Lui aussi avait pris conscience des mensonges de l’Empereur et du massacre des idéaux d’un Empire autrefois fort et légitime. Mais quel aveuglement… L’Empereur lui-même était une forteresse vide, un mur de mensonges qui, une fois ébranlé, ne révélerait qu’une bête sauvage affaiblie et capable du pire pour survivre. Et face à cela, cette jeune prêtresse, elle, ressemblait à une chenille, rampant dans les ténèbres, faisant de la douleur son cocon, pour mieux préparer son envol dans la lumière, là où nulle flèche ne pourrait désormais l’atteindre…

Il se surprit à sourire à cette pensée, et son regard se posa sur les cristaux qu’il tenait au creux de sa main qu’il avait ouvert lentement. La vue des cristaux lui procura un sentiment de bien-être si profond qu’il ne sut en détacher son regard. C’était comme s’il tenait entre ses doigts tout l’amour du monde, un amour qui lui rappelait des sentiments simples comme la tendresse d’une mère, ou l’innocence d’un enfant… Cette simplicité, ces sentiments si purs étaient tels qu’il sentit deux larmes rouler sur ses joues.

Lui…être maudit…bête parmi les bêtes…pleurait dans l’obscurité de la nuit…il pleurait face à cette lumière si tendre qu’il voulait protéger comme il aurait protégé son propre fils.