Note finale du Livre IV

La lumière diaphane perçait à peine les rideaux miteux du grenier qui se balançaient, éployant ses rayons tachetés sur le sol poussiéreux, jouant avec les ombres qui dansaient, projetées par les flammes des anciens candélabres presque entièrement consumés. Une vieille pendule en bois massif cliquetait, mais ses aiguilles absentes n’indiquaient nulle heure. Les planches moisies grinçaient sans même qu’on ne les effleure, et le vent sifflait de bien macabres mélodies.
Près du lit dont le matelas avait disparu, le large coffre était encore ouvert, couverts des empreintes apposées par les doigts de l’enfant sur la couche encore fraîche de la poussière accumulée par le temps. Les cartes jonchaient le sol, croquis et manuscrits se mélangeant, parsemant le parquet de milles et uns rêves qui se mêlaient dans le plus grand silence.

Emmitouflé dans une couverture de laine, enivré par l’odeur du bois et le chant lointain des elfes, l’enfant caressait les dernières pages jaunies et se délectait de ce contact. Ses yeux endormis parcouraient avidement les lignes courbes jetées à l’encre noire, et l’écho encore proche des batailles faisait frémir son petit cœur. Des sillons de larmes qu’il avait effacés durant la nuit marquaient son visage.

Il pouvait encore voir la silhouette de ses héros, et redoutait l’instant où cette aventure s’achèverait. Il ne voulait pas que cette histoire ait une fin. Il ne voulait pas que son conte de fée, dont il avait vécu les moindres rêves, puisse prendre fin ainsi, et disparaître dans l’oubli de ce vieux grenier qu’était son cœur. Une émotion intense le saisit lorsqu’enfin il arriva au bout de cette légende.

Silencieusement, avec un pincement au cœur, il rangea dans ce coffre tout ce qu’il en avait sorti, et emprisonna à nouveau ses manuscrits, dans une obscurité protectrice.

D’autres viendraient après lui. D’autres s’émerveilleraient dans ce grenier, et voudront se plonger dans ce coffre.

Il partait le cœur chagrin, mais sa mémoire était encore pleine des combats qu’il avait menés à leurs côtés.

Il souffla les bougies, jeta un dernier regard sur ce théâtre de la vie, puis referma la porte du grenier dans un soupir.

L’histoire était finie.

Mais son aventure dans le monde des rêves, elle, ne faisait que commencer.